Avant de lire mon témoignage, prenez bien en compte que ceci est une expérience personnelle. Comprenez que ce qui a marché pour moi ne marchera pas forcément pour tout le monde. Je tiens à préciser également que je suis atteinte de fibromyalgie (ou de SED, c’est en cours de diagnostic) en plus d’endométriose. J’ai aussi la « »chance » » ne pas avoir trop d’atteintes et aucune qui soit digestive, ce qui m’a permis de pouvoir suivre ce protocole sans trop en souffrir.
Autre point important à préciser avant de commencer à lire ce récit : je ne fais pas et ne ferais jamais l’apologie du sport comme remède miracle aux douleurs chroniques. Déjà parce que même si j’ai eu des progrès, mes douleurs sont toujours là malgré tout. Ensuite parce que chacun·e fait ce qu’iel peut/veut en fonction de ses douleurs propres. Je sais à quel point il est pénible de s’entendre dire à tout va que le sport est LA solution, et à quel point il est dur de se motiver à bouger quand on peine déjà à rester immobile. Faites au mieux pour vous en fonction de votre ressenti.
Fonctionnement du centre de rééducation
Au mois de janvier 2021, je suis entrée dans un protocole de rééducation et de réadaptation à l’effort dans un centre médical spécialisé. Ce protocole de 10 semaines avait pour but de remettre mon corps en mouvement, lui qui a si longtemps été bloqué par les douleurs et les crises.
Le médecin a été très clair dès le début : le but de tout ce protocole n’est pas de faire disparaître les douleurs. Il s’agit de remettre progressivement le corps en mouvement et pouvoir mieux vivre au quotidien. Aucune promesse de guérison n’a été faite, aucune solution miracle n’a été proposée. Cette honnêteté m’a fait énormément de bien, surtout parce qu’elle enlève la culpabilité d’avoir toujours des douleurs malgré les efforts des soignants et les soins dont je bénéficie.
Pour entrer dans ce programme j’ai d’abord vu le médecin rééducateur au centre de la douleur où je suis prise en charge. C’est lui qui m’a proposé de venir faire cette rééducation au centre où il travaille. Il n’est pas obligatoire de passer par un centre de la douleur ou un médecin rééducateur pour demander à entrer dans le programme. Certaines personnes était là sur recommandation de leur médecin généraliste. Le centre accueille toutes les personnes qui ont besoin d’une rééducation et/ou d’une réadaptation à l’effort. Cela inclus donc les malades chroniques, les personnes qui ont des handicaps moteurs, celles qui ont été opérées à la suite d’un accident, les sportifs blessés, les blessures dues au travail, …
L’angoisse d’avoir de nouveaux soignant·es
Je ne vous cache pas que j’avais énormément d’appréhension avant de commencer. Cela est dû en très grande partie à l’errance et la maltraitance médicales que j’ai subies tout au long de mon parcours de soin et qui me rendent toujours méfiante et angoissée à l’idée de rencontrer de nouveaux soignant·es. Dans le cas présent, je n’allais pas rencontrer un nouveau soignant mais plusieurs, et cela allait durer 10 semaines. Passer tant de temps avec de potentiel·les soignant·es maltraitant·es et/ou non à l’écoute m’angoissait au point que je n’ai pratiquement pas dormi quelques nuits avant mon 1er jour.
Deuxième source de stress : le fait que certains soins se font en groupe et rencontrer de nouvelles personnes est toujours délicat, d’autant plus si on doit passer 2 mois avec elles.
J’ai été extrêmement surprise de la bienveillance de tous les membres du personnel du centre : de la dame de l’accueil (merci à vous pour les bonjours chaleureux qui mettent le baume au cœur) au médecin en chef (en gros de la 1ère personne qu’on voit, à la dernière). Un poids énorme a été enlevé et j’allais au centre sans jamais stresser, même en sachant que j’allais avoir un·e soignant·e que je n’avais pas encore vue.
Point bonus : la kiné qui m’a été attitrée était une perle, tant niveau écoute que sur le plan professionnel. Elle m’a de suite mise à l’aise et toutes mes peurs se sont dissipées. Je suis toujours très triste de l’avoir quittée et de ne plus l’avoir en tant que soignante (Anne-Laure si tu me lis, encore merci pour tout).
Quant aux 2 autres personnes avec qui j’étais en groupe « fixe », et bien nous continuons de nous voir à peu près une fois par semaine pour faire de la marche nordique ensemble. J’ai donc gagné 2 amies lors de ce séjour.
Les soins
Maintenant que le cadre est posé, passons au vif du sujet et à ce qui nous intéresse réellement : les soins !
Pendant ces 10 semaines, je venais 4 demi-journées par semaine, du lundi au jeudi et les planning étaient plutôt bien remplis. Les soins étaient variés et se complétaient :
- Kiné : 2 fois 30 min de kiné par semaine. Les séances étaient adaptées en fonction de mon état du jour et de ce que je voulais travailler. La kiné s’est renseignée sur l’endométriose et me posait des questions pour m’aider au mieux. Lorsque j’avais trop de douleurs pelviennes ou un endobelly, elle me faisait des manipulations viscérales qui me soulageaient énormément. C’est elle qui m’a appris l’existence du psoas et comment le muscler et le détendre pour diminuer les crampes pelviennes. Je vous en parlerai dans un prochain article qui lui sera entièrement consacré parce que je trouve ça fou qu’on nous en parle quasiment jamais alors qu’il joue un rôle si important dans les douleurs liées à l’endométriose.
- Gymnastique hypopressive : 45 min toutes les semaines. Ce sont des exercices de respirations pour travailler le muscle transverse et le périnée. C’est pas franchement agréable dans certaines positions, mais ça marche plutôt bien et ça a le mérite de ne pas demander trop d’efforts physiques.
- Activités Physiques Adaptées : 1h par semaine en salle + 1h par semaine en balnéo. J’avoue que c’était pas mes séances préférées (déso Tony) car très physiques, mais il faut reconnaître que ça a été très efficace et que j’ai fait d’énormes progrès en seulement 2 mois. Il faut dire que niveau forme physique, je revenais de très loin. L’éducateur spécialisé m’a aidé à prendre confiance petit à petit en mes capacités.
- Balnéothérapie : clairement mon activité préférée. Il ne s’agit pas juste de rester à flotter. Ma kiné m’avait donné des exercices spécifiques pour travailler en fonction de mes douleurs. Ca m’a beaucoup aidé pour les douleurs liées à la fibromyalgie.
- Electrothérapie : Ce sont des séances de TENS pendant lesquelles on essaye cette petite merveille pour trouver les réglages qui nous conviennent. Le TENS est un appareil médical de neurostimulation transcutanée. L’appareil envoie un courant électrique dans le corps via des électrodes placées bien spécifiquement selon le programme et les zones douloureuses. Certains programmes stimulent par exemple la production de dopamine pour aider le corps à moins ressentir la douleur pendant plusieurs heures après l’utilisation du TENS.
- Ergothérapie : 2 séances de 30 min par semaine pour réapprendre les gestes simples de la vie quotidienne (se lever, se laver, faire le ménage, les courses…) sans se blesser et en limitant les douleurs. J’ai vraiment appris plein de choses qui m’aident toujours dans ma vie quotidienne, et sur les dernières semaines j’ai même pu faire de la menuiserie !
- Relaxation : 1h par semaine. La séance qui faisait du bien après avoir eu 1h d’activités physiques. On nous a appris divers exercices de respiration pour se détendre, faire de la cohérence cardiaque, prendre conscience de sa respiration et des mouvements infimes de son corps. Je les utilise toujours quand je n’arrive pas à m’endormir ou que j’ai besoin de me détendre. Pour ne rien gâcher, la salle était entièrement vitrée sur tout un côté et donnait vue sur un bout de forêt avec oiseaux et écureuils !
- Hypnose : je n’ai eu que peu de séances d’hypnose, et elles se déroulaient en groupe. Si cela marche bien pour certains, je dois avouer que ce n’est pas trop mon truc. En revanche, la méditation de pleine conscience est, je trouve, un bon exercice de relaxation. Il n’y avait aucune obligation à avoir les séances d’hypnose. La toute première séance en individuel servait justement à savoir si j’étais intéressée pour tester ce genre de thérapie. La curiosité l’emportant, j’ai dit oui.
- Art thérapie : malheureusement que 2 séances en 10 semaines. Je suis une personne très créative : je peins, je dessine, je brode… et ces séances d’art thérapie m’ont beaucoup plu. Le but était de faire notre paysage intérieur à l’aide d’une silhouette que l’on pouvait remplir comme bon nous semblait. L’exercice était assez intéressant, et la pratique de l’art a toujours eu un effet apaisant sur moi. Je ne suis pas sûre que cela marcherait pour une personne qui n’a aucune affinité avec la chose artistique par contre.
- Psychothérapie : On pouvait avoir des rdv réguliers avec un psychologue si on le souhaitait. Ça m’a fait beaucoup de bien et m’a redonné confiance après des rdv catastrophiques avec une ancienne psychologue.
- Insertion socio-professionnelle : là aussi des rdv réguliers avec un professionnel de l’insertion socio-professionnelle pour aider soit à trouver une formation, soit un nouvel emploi adapté, soit une solution pour adapter un poste. Si sur ce plan là l’aide ne m’a pas été très utile du fait que je suis déjà en formation, j’ai eu beaucoup de pistes et d’explications sur ce que l’on peut avoir et demander en ayant une RQTH. La personne a d’ailleurs pu faire en sorte que mon dossier soit traité en urgence afin que je puisse obtenir ma RQTH au plus vite pour avoir une adaptation de poste à la fin de ma formation. Bonne nouvelle : ma demande a été acceptée !
Voilà à peu près tous les soins que j’ai eu pendant ces 10 semaines. A chaque fois, les soignant·es nous expliquaient ce qu’on faisait et dans quel but. Ils nous expliquaient comment fonctionne le corps, les muscles, le cerveau et donc pourquoi on fait tel ou tel exercice… J’ai réellement été actrice de mes soins et mise au même pied d’égalité que mes soignant·es qui me demandaient aussi des informations sur l’endométriose qu’ils ne connaissaient pas forcément bien.
J’ai également eu 3 rdv médicaux avec le médecin rééducateur qui m’a inscrite dans le protocole pour faire des bilans à différentes étapes de la rééducation. Le but était aussi de prévoir la suite après ma sortie du centre et continuer les soins seule ou dans une autre structure. Je vous spoile de suite : je suis suivie dans une nouvelle structure cette fois-ci axée sur la rééducation sportive adaptée, toujours encadrée par des kinés et des éducs spés.
Bilan à la fin des 10 semaines
Lorsque je suis arrivée au centre ce 4 janvier, ma condition physique était assez mauvaise (voire très mauvaise). J’avais arrêté toutes activités depuis bien longtemps à cause des douleurs et de l’enchaînement des crises d’endométriose. A la même période l’an dernier, j’étais clouée dans mon lit, enchaînant les crises, défoncée au tramadol, incapable de me faire à manger. Jusqu’à il n’y a pas si longtemps, je pouvais difficilement marcher plus de 15min sans devoir appeler pour qu’on vienne me chercher. En plus de tout ça, j’avais pris 10kg à cause des antidépresseurs que je prenais à l’époque pour les douleurs neurologiques (qui n’ont même pas marché en plus !), ce qui me minait un peu le moral. Bref, j’étais vraiment pas au top physiquement et moralement.
Depuis ma sortie du centre le 12 mars, je peux marcher 40min avant de commencer à ressentir de trop fortes douleurs. J’ai repris un peu de masse musculaire, ce qui m’aide à un peu mieux tenir mes articulations hyperlaxes. J’ai un meilleur cardio, je suis moins essoufflée, et je me sens globalement mieux dans mon corps dont je comprends mieux le fonctionnement. Grâce à l’ergothérapie, je me blesse moins souvent au quotidien. J’ai appris à faire plus attention à moi et à accepter de faire des pauses quand j’en ai besoin, même si ça doit me prendre 2h de faire la vaisselle.
Est-ce que j’ai toujours des douleurs ? Oui, bien sûr. Je vais pas vous mentir, il y a toujours des jours très difficiles où juste sortir du canapé est compliqué, que ce soit à cause de la douleur ou de la fatigue. Je souffre de pathologies chroniques incurables et comme dit au début : le but n’était pas de me guérir. Mais je vis mieux avec mes douleurs, notamment grâce au fait que je les comprends et que je comprends mieux mon corps et mes limites.
« Fais du sport ça ira mieux » (ou pas)
Je vous l’ai dit en préambule : je ne vendrais jamais le sport comme remède miracle. S’il peut améliorer dans certains cas des aspects du quotidien, il n’enlèvera jamais les douleurs causées par des maladies chroniques. Certains exercices et étirements peuvent soulager sur le moment c’est vrai, mais la douleur reviendra. Ce n’est pas pour être pessimiste, mais si on pouvait guérir l’endométriose et la fibromyalgie juste en faisant un peu de sport, je pense que ça se saurait et qu’on ne s’embêterait pas à prendre et tester autant de traitements !
Merci donc de nous lâcher un peu les chaussettes et d’arrêter avec cette injonction culpabilisante. Ce n’est pas parce que ça a marché pour une personne que ça marche pour tout le monde. Les malades chroniques sont toustes différent·es, même si atteint·es de la même pathologie.
Pour le tester en ce moment même dans le 2ème centre où je poursuis ma rééducation, le sport est la cause 1ère de l’augmentation de mes douleurs. Je suis dans un protocole spécial pour fibromyalgiques donc normalement totalement adapté pour moi. En plus des courbatures, les douleurs présentes quotidiennement sont amplifiée par l’exercice à forte dose (oui 4h/semaine c’est beaucoup quand on a des douleurs chroniques). J’en suis venue à doubler la dose d’antidouleur que je prends, et même là ce n’est pas toujours suffisant. J’en suis venu à supprimer une des heures de sport pour laisser à mon corps le temps de se remettre entre les séances.
Au bout du compte, j’ai appris à connaître mes limites et à me reposer, et je n’hésite plus à le dire aux soignant’es. Je suis la seule à connaitre mon corps et mon ressentis, tout comme vous êtes les seul’es à connaitre votre corps et à savoir ce qui a des effets bénéfiques ou pas pour vous. Et si le sport et les exercices ne vous aident pas, ce n’est pas votre faute. Vous n’avez pas échoué. De la même façon que tous les traitements ne sont pas adaptés pour toustes malgré une pathologie commune, le sport ne marchera pas pareil sur tout le monde. Nous faisons ce que nous pouvons, et c’est déjà beaucoup !