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Comment aimer un corps qui me fait souffrir ?

J’ai toujours eu un rapport compliqué avec mon corps. Depuis l’enfance je le porte comme un fardeau. Trop gros, trop large, trop maladroit, un visage grossier. Je l’ai haï, je l’ai torturé, affamé, caché, comparé.  Évidemment mes proches et mes camarades de classes ont nourri cette obsession par leurs moqueries et leurs commentaires.

Au fil des années j’ai appris à l’accepter, un peu. J’ai compris que je pouvais faire du sport pour le rendre plus fort. Que je pouvais le tatouer, teindre mes cheveux pour le rendre davantage à mon goût.
J’ai décrété que, non tel ou tel complexe n’allait pas m’empêcher d’aimer me baigner en public, porter des jupes courtes ou faire l’amour. Je me suis moquée des gens dans mon entourage qui commentaient mes tenues qui en dévoilaient trop à leur goût. J’ai décidé de laisser tout ça dans un coin de mon esprit.

Et puis à 24-25 ans, il y a eu la maladie. L’endométriose s’est mise à étendre sa toile dans mon ventre et à me faire souffrir. Et là tous mes efforts se sont écroulés.

Comment aimer un corps qui me fait souffrir ? Comment accepter une enveloppe qui est d’apparence fonctionnelle mais qui pourrit pourtant de l’intérieur ?

Mon corps me donne l’impression de jouer dans l’équipe adverse. D’être l’espion qui saborde une mission de l’intérieur. Au fil des mois, la maladie s’est mise à prendre de la place dans mon quotidien. Elle décide de plus en plus pour moi ! Petit à petit, je me suis mise à la détester…enfin plus seulement elle, mais mon corps entier. Et pour être totalement honnête avec vous, le reste de ce que je suis avec.

A l’heure où l’acceptation de soi est sur toutes les bouches et où certaines parlent que se réconcilier avec notre utérus pour lutter contre la maladie, il n’est pas très à la mode de parler de soi comme ça.  

Pourtant aujourd’hui mon corps c’est l’ennemi. Pour ses dysfonctionnements comme pour son apparence marquée par les traitements hormonaux à répétition. Il est celui qui m’empêche d’être moi. Aujourd’hui il n’est pas seulement question pour moi d‘accepter un physique mais aussi d’accepter la maladie avec ses désagréments. Certainement pas pour guérir …oh non je ne crois pas du tout à ces choses-là. Je parle là d’un combat quotidien contre moi-même pour faire le deuil de mon « moi » d’avant. Un combat qui va bien au-delà des complexes, de la cellulite et du double menton. Il s’agit d’accepter que l’endométriose et moi on cohabite dans le même corps. Et croyez-moi, elle est loin d’être la meilleure des colocataires.

Par parhelie

Parhelie est féministe et sociologue du genre à ses heures perdues. Diagnostiquée à 25 ans, elle souhaite dès lors mettre son militantisme et ses connaissances au service de la lutte pour la reconnaissance de l'endométriose.