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Féminisme et lutte Manuel d’autodéfense

Être femme et handicapée, double peine dans une société patriarcale validiste

Article publié le lundi 8 mars à 13h, modifié à 14h55

TW : Cet article contient des mentions de violences, viol, avortement, excision, meurtre.

Journée des droits des femmes

Le 8 mars est la journée internationale des droits des femmes.

Alors que dans certains pays, le droit à l’avortement est mis en danger (quand il existe !) ; alors que dans le monde, en France également, de jeunes filles sont excisées et/ou mariées de force ; alors que des femmes se font agresser, mutiler, violer, tuer, au simple prétexte qu’elles sont des femmes, on entend pourtant certaines voix dire que nous n’avons pas, ou plus, besoin du féminisme.

Avec les derniers évènements liés au COVID-19, les violences conjugales faites aux femmes ont augmenté pendant les confinements. On compte 90 féminicides en France pour l’année 2020. C’est 90 de trop.

Nous sommes en 2021 et nous avons toujours besoin de lutter pour nos droits, pour le respect, pour nos vies et celles de toutes les femmes. Et nous lutterons.

Les femmes handicapées sont plus susceptibles de subir des violences conjugales

Les personnes en situation de handicap, notamment les femmes, sont plus susceptibles d’être victimes de violences conjugales.

D’après une étude de la Drees, 9% ont été victimes de violences physiques et/ou sexuelles au sein de leur ménage ou en dehors (contre 5,8% des femmes sans handicap), dont 4% ont, en particulier, subi des violences sexuelles (contre 1,7%).

Aux violences subies par les femmes valides s’ajoutent d’autres types de violences spécifiques aux personnes handis : abus de médicaments, faire passer un coup pour une blessure ou garder la personne enfermée par exemple.

Ces violences ne sont pas toujours perceptibles pour les valides. Les personnes handicapées sont donc bien trop souvent oubliées, comme nous le rappelle très justement le collectif Les Dévalideuses.

Attention, on ne dit pas que les hommes handicapés ne subissent pas de violences conjugales ! Le 8 mars étant la journée pour la lutte des droits des femmes, on va donc laisser ces messieurs de côté. Ça ne veut pas dire qu’on les oublie pour autant.

AAH (Allocation Adulte Handicapé) et autonomie

Parmi les violences conjugales vécues par les femmes handicapées, on soulignera ici la dépendance financière vis à vis des conjoint·es.

Lorsque l’on est handicapée, on peut prétendre à l’AAH qui est censée fournir un revenu minimum pour vivre. À noter que ce revenu, même obtenu à son maximum (902,70€), reste en dessous des minimas sociaux. Le hic, parce qu’il y a toujours un hic, est que cette aide est calculée en fonction des revenus du foyer. Dès lors que le ou la partenaire de vie gagne « trop » d’argent, le versement de l’AAH est arrêté. La personne handicapée devient alors financièrement dépendante de l’autre. De ce fait, beaucoup de personnes ne demandent pas d’aides ou sont contraintes à faire des choix de vie difficiles.

Les problèmes que posent, entre autres, la prise en compte des revenus des partenaires dans le calcul de l’AAH :

  • Une femme handicapée victime de violences conjugales, dépendante de saon conjoint·e n’aura pas la possibilité de lae quitter sous peine de se retrouver sans aucun revenu !
  • On dépend entièrement de l’autre pour la moindre dépense. Il n’y a plus aucune autonomie financière. Dans les situations d’abus, on dépend totalement du bon vouloir de saon partenaire. Iel peut maintenir un contrôle sur nos vies en régulant les achats, les sorties…
  • Une femme handicapée prend le risque de perdre tous ses revenus si elle se met en concubinage, si elle se marie ou si elle a des enfants avec saon partenaire.
Refuser la désolidarisation de l'AAH c'est nous enchainer à nos bourreaux.Une femmes victime de violence conjugale dit : "Je ne peux pas fuir. Ca fait des années que je ne reçois plus mon AAH parce que je vis avec lui."9% des femmes handicapées sont victimes de violences conjugales selon la DREES (la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques).

Refuser la désolidarisation de l'AAH c'est nous obliger à sacrifier notre indépendance par amour.Une personne à genoux demande "Est-ce que tu veux m'épouser ?"
L'autre personne en fauteuil lui répond "J'aimerais te dire oui, mais si on se marie je perdrais toute mon autonomie financière".

Ces visuels ont été créés par @CMitermite pour Objectif Autonomie. Ce groupe de personnes handies a grandement contribué à diffuser la pétition pour la désolidarisation de l’AAH. Un très grand merci à tous leurs membres pour leurs actions, leur investissement et pour le partage de leurs visuels.

Mobilisation

Récemment, le milieu handi militant s’est mobilisé afin de partager et faire signer une pétition pour demander la désolidarisation des revenus des conjoint·es dans le calcul de l’AAH. Grâce à des mois de campagne et d’efforts communs, la pétition a atteint son objectif de 100 000 signatures. Le Sénat l’a donc validée et examine la proposition de loi (votée au premier passage par l’Assemblée nationale fin février) mardi 9 mars 2021.

Rassemblement pour l’autonomie de personnes handicapées
Si vous le souhaitez, et si vous le pouvez, un rassemblement est organisé par Act-Up Paris le 9 mars à 13h30 devant le Sénat, 20 Rue de Tournon, 75006 Paris.

Et l’endométriose alors dans tout ça ?

Comme on vous en déjà maintes fois parlé, l’endométriose peut être une maladie extrêmement invalidante allant jusqu’à l’incapacité de travailler. C’est le cas de beaucoup d’endométriosiques qui se retrouvent alors à vivre grâce aux maigres aides qu’on leur accorde ou à devoir travailler dans des conditions intenables avec leurs douleurs. Pouvoir obtenir l’AAH serait un soulagement énorme pour beaucoup d’entre nous, en plus d’un grand pas en avant dans la reconnaissance de notre pathologie. Il est en effet très difficile de se faire reconnaître en tant que malade, que ce soit par le corps médical et par l’entourage qui nient nos douleurs, quand bien même on aurait un diagnostic.

Parce que l’endométriose n’est pas encore bien (voire quasiment pas) reconnue, il est très rare de pouvoir toucher l’AAH. Nous avions lancé un appel à témoignages au mois de septembre 2020 afin de voir si des personnes atteintes d’endométrioses bénéficiaient de l’AAH. Sur tous les retours que nous avons eu, seules 2 personnes se sont vues accorder cette aide comme complément de leurs salaires.

Nous luttons déjà constamment pour faire reconnaître l’endométriose comme maladie invalidante. Le chemin est long et difficile mais on avance petit à petit grâce aux différentes démarches créées par les malades (suivez le #EndométriosePasEndomètre ce mois-ci !)

Féministes, n’oubliez pas les femmes handicapées dans vos luttes !

Ce qu’il faut retenir de tout ça, c’est que les personnes handicapées, particulièrement les femmes, sont plus exposées à des situations d’abus et de violence du fait d’une société profondément patriarcale et validiste.

Si nos consœurs sortent dans la rue en cette journée du 8 mars, c’est parce que nous avons toujours besoin du féminisme pour lutter contre les violences systémiques. Mais lorsque vous défilerez, pensez aussi à nous, à celles qui ne peuvent pas sortir, que ce soit à cause de leur pathologie ou parce qu’elles sont retenues chez elles.

Luttons ensemble, et venez aussi manifestez le 9 mars pour notre autonomie !

Sources :

Les personnes à suivre :

Little Sica, pour le collectif

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