Cela fait neuf jours que je vis cloîtrée chez moi. Je ne suis sortie qu’une heure vendredi dernier, Jour 4, pour des courses alimentaires. C’est étrange à dire mais… je me sens bien. Casanière de nature, je me suis particulièrement bien adaptée à la situation. Je suis d’abord passée par l’angoisse, le stress, puis la colère. Maintenant, je suis sereine.
Cela ne fait qu’un peu plus d’une semaine, et pourtant, de nouvelles habitudes rythment mon quotidien. Je télétravaille assidûment chaque jour, en m’octroyant une bonne pause déjeuner et en terminant en fin d’après-midi. La table à manger est devenue mon bureau et celui de mon conjoint. C’est l’occasion de découvrir de nouvelles facettes de la personnalité de l’autre : lui a pour habitude de boire son thé juste après le déjeuner ; moi c’est plus tard dans l’après-midi, toujours avec un peu de chocolat noir. Lui se lève et marche continuellement tel un lion en cage, dès qu’il est au téléphone ; moi, je reste très sérieusement assise à mon poste, disciplinée.
Je redécouvre aussi mon côté créatif, qui s’était étiolé depuis des années : je tiens mon journal de bord de confinement dans un carnet, où j’écris à la main consciencieusement, dès que j’en ressens le besoin. Je consacre du temps à l’origami. Je me suis remise à la guitare, chère amie que j’ai bien longtemps délaissée. Les ampoules rouges et douloureuses ont fait leur retour au bout de mes doigts, mais je me sens joyeuse et légère.
L’agitation de la ville et le tourbillon du quotidien auraient-ils enfoui en moi ce qui me tient éveillée ? Confinée, j’ai le sentiment de prendre le temps d’exister à nouveau. Il n’y a plus besoin de faire les choses vite, de penser vite, de courir vite, d’acheter vite, de traverser la ville le plus vite possible… et demain, ce sera pareil. Et après-demain. Et après-après-demain. La pression s’est envolée. Mon corps est comme prisonnier, mais mon esprit bouillonne ! Profitons-en !