TW viol et agression
J’ai écrit ce texte en 2020, suite à une agression par un gynécologue lors d’une cure thermale. Incapable de raconter oralement ce qui m’était arrivé, j’ai décrit les faits pour en garder une trace. Je reprends ici ce texte écrit sur le vif, quasi sans modifications, si ce n’est pour lui apporter une conclusion. Si vous souhaitez plus d’informations sur les violences gynécologiques, vous pouvez en trouver dans notre article sur le sujet.
J’ai commencé une cure thermale en gynécologie en octobre 2020. Je me suis inscrite en complément au parcours endométriose. Je suis suivie par le gynécologue qui m’a été recommandé à l’accueil lors de ma réservation. Notre premier rendez-vous se passe bien. Il me pose peu de questions sur ma santé. Ca me surprend qu’on ne parle pas plus de mes douleurs mais j’ai déjà un bon suivi pour l’endométriose, je ne m’en formalise pas. On me fournit très peu d’explications, à la fois sur le déroulé de la cure et sur les soins.
Les deux premiers jours se passent normalement. Je reçois les soins prévus. Je souffre de douleurs chroniques depuis des années. Elles sont nettement atténuées pendant la durée des soins, ainsi que les 2 ou 3 heures suivantes. En revanche ensuite la douleur se réveille, bien pire. Une douleur différente de ma douleur habituelle, qui m’empêche de faire quoi que ce soit malgré les antidouleurs. La 2e nuit, alors que j’ai déjà pris beaucoup de tramadol, j’hésite à me faire amener aux urgences tant la douleur est intense. Je n’imagine pas pouvoir tenir 3 semaines dans ces conditions. Je vois le médecin le lendemain, je décide de lui en parler afin d’ajuster les soins.
Le mercredi matin, j’ai rendez-vous avec le gynécologue pour un soin consistant à introduire une mèche imbibée d’eau thermale dans le vagin. Personne ne m’a rien expliqué, je suis allée chercher des infos sur internet. Je ne sais pas au juste ce qui m’attend. Je commence par parler au médecin des fortes douleurs des 2 derniers jours. Il me dit que c’est tout à fait normal. La douleur est insoutenable – je l’évaluerais à 9, très mal soulagée par les antidouleurs. Si elle ne se calme pas rapidement, je ne pourrai pas tenir les 3 semaines, d’autant plus que ça m’empêche de dormir ou d’avoir la moindre activité dès le milieu de l’après-midi.
Il balaie mes doutes sans prendre la peine de m’écouter avec pour seule réponse « Il faut souffrir pour être belle ». Je me permets d’insister, sans aucun retour. Pendant ce temps, il me fait signe de m’installer sur les étriers, j’obéis machinalement. Je n’aurais pas dû, j’ai fait ce qu’il me disait sans réfléchir, pensant qu’il allait d’abord m’examiner. Je demande si le soin ne risque pas d’augmenter encore mes douleurs, il me dit que ça va être un peu désagréable mais que c’est normal. Il m’insère le spéculum sans me prévenir. C’est très douloureux, ce que je lui signale, le médecin me dit alors sur un ton très agacé qu’il utilisera une mèche plus petite. C’est le seul moment où il semble m’avoir vaguement prise en compte.
Il m’insère ensuite une compresse dans le vagin, sans aucun ménagement. Ca m’arrache un cri de douleur. Il m’ordonne de me détendre et d’écarter plus les jambes. J’essaie d’obéir. J’aurais dû me lever et partir mais j’étais épuisée par le manque de sommeil et la douleur, je ne comprenais pas bien ce qui était en train de se passer, incapable de réagir devant son ton autoritaire et ses gestes brusques cachés derrière un sourire de façade. Pendant ce temps il me raconte qu’avant on sectionnait un nerf pour calmer la douleur, une méthode très efficace mais qui rend souvent doublement incontinente. Je ne sais pas ce que je suis censée faire de cette information qui me plonge dans une certaine stupeur. Il continue à enfoncer la compresse. Je hurle et la douleur m’arrache des larmes.
Je lui demande d’arrêter. Il ne réagit pas. J’insiste et commence à me débattre pour qu’il arrête, il retire un peu la compresse. D’un ou deux centimètres. La douleur se calme légèrement. Elle est toujours très présente mais ne prend plus toute la place. Je suis exténuée. Le médecin me signale bien que normalement il faut bien l’insérer au fond du vagin, sinon le soin est moins efficace. Son ton est agressif. Je me lève dans un état second. Pendant que je me dirige vers la porte, il me dit que souvent il voit des gynécologues qui refusent de continuer à suivre des patientes atteintes d’endométriose « elles se plaignent tout le temps ». Je quitte le bureau en état de choc, incapable de réagir.
Avec la compresse, je peux à peine marcher tellement le moindre mouvement déclenche une brûlure qui irradie dans tout le bassin. Il ne m’a pas dit combien de temps je devais la garder. Ni que faire au cas où la douleur empirerait. Je quitte la cure en pleurs. Je m’assois sur une chaise à l’accueil, la station debout étant trop douloureuse. C’est encore pire assise. Personne ne fait attention à moi. Je suis obligée d’appeler quelqu’un pour qu’on vienne me chercher, je ne me sens pas capable d’attendre le bus et marcher les quelques mètres jusqu’à l’appartement. J’enlève la compresse à peine arrivée. Elle fait environ 15 cm de long sur 3 ou 4 cm de diamètre.
Je passe toute l’après-midi avec des douleurs violentes malgré les antidouleurs. Ca se calme un peu durant la nuit. Plus de 24h après, j’ai toujours des douleurs intenses dans le vagin lorsque je marche ou que je m’assois. Je me sens incapable de poursuivre la cure suite à ça. Le lendemain, je constate la présence de contusions qui semblent être dues à l’examen, probablement au moment où le médecin a tenu mes jambes écartées pour y insérer la compresse, j’ai clairement la trace de ses doigts imprimées à l’intérieur de la cuisse, ainsi que des griffures sûrement faites en me débattant.
Les fortes douleurs en marchant et en position assise ont duré plus d’une semaine, les séquelles morales s’annoncent quant à elles bien plus durables. La direction de la cure a soutenu le médecin et facturé 18 jours de soins à la sécurité sociale alors que j’en ai effectué 3. J’ai la chance d’avoir un excellent suivi par ailleurs et des médecins en qui j’ai confiance et qui m’ont soutenue, ce qui m’a permis de garder un suivi médical malgré tout. Je n’ai pas réussi à porter plainte. J’ai contacté des associations pour obtenir de l’aide, aucune ne m’a répondu. Je peine aujourd’hui encore à en parler. Je ne supporte pas l’idée d’être confrontée à lui. Je ne supporte pas non plus celle qu’il continue à agir impunément. On est de plus en plus nombreuses à parler, souvent on est moquées pour ça, notre parole est minimisée, tournée en dérision. J’espère qu’on finira par être entendues, qu’un jour on arrêtera d’avoir peur et que c’est eux qui auront honte.