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Violences gynécologiques et consentement

Cet article est une réaction aux divers événements d’actualités survenus depuis juin 2022.

Tout d’abord, nous tenons à apporter une nouvelle fois notre soutien aux victimes, qu’elles aient porté plainte ou non. Nous vous croyons.

Depuis quelques mois, nous voyons régulièrement passer des messages ignobles disant que les violences gynécologiques n’existeraient pas ou qu’elles seraient normales. Que les gynécologues ne peuvent pas violer, que les examens douloureux sont normaux. Il nous a paru important de revenir sur le sujet.

Quelques rappels juridiques

La loi Kouchner de 2002 prévoit que le patient doit avoir un consentement libre et éclairé des actes et traitements qui lui sont proposés. Le médecin se DOIT de recueillir le consentement du patient à chaque examen et chaque geste médical en gardant à l’esprit que celui-ci peut-être retiré à tout moment. Le médecin se doit d’expliquer chacun de ses gestes et pourquoi ils sont nécessaires. On soigne des personnes conscientes, on ne répare pas des objets !

Le viol est défini par le Code pénal (article 222-23) comme tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise. Cet acte peut être réalisé aussi bien avec une partie du corps (sexe, doigt, etc.) qu’avec un objet. Il ne s’agit pas d’intention ou de désir sexuel, mais d’un rapport de domination sur l’autre. Donc oui, un ou une gynécologue peut violer si l’examen est fait sans le consentement libre et éclairé de la patiente.

Pourquoi les idées reçues sur les examens gynécologiques sont dangereuses

Une justification récurrente veut que le consentement à l’auscultation est implicitement donné dès lors de la prise de rdv. Cette idée reçue est la raison pour laquelle énormément de personnes refusent de consulter. Un examen gynécologique touche aux parties génitales, à l’intimité. Ce n’est pas un geste anodin, notamment pour des personnes ayant déjà vécu des violences sexuelles. Le consentement de la personne doit être recueilli et respecté.

Autre idée reçue : la douleur est normale lors d’un examen gynécologique. Ce n’est pas examen particulièrement agréable et il peut évidemment être douloureux, surtout dans le cas de pathologies touchant la zone pelvienne comme l’endométriose. Ce qui n’est pas normal, c’est que le praticien continue son examen lorsque la patiente demande à arrêter à cause des douleurs.

Des messages accusent également les personnes atteintes d’endométriose d’exagérer (peut-être un jour, serons nous prises au sérieux ?), voire d’être une secte dont le but serait de détourner les personnes de la médecine et de faire interdire les examens gynécologiques. Ayant une maladie qui nous fait consulter des gynécologues plus souvent que la moyenne, notamment pendant tout le processus de diagnostic, nous sommes plus susceptibles d’être victimes de violences gynécologiques. C’est un sujet que nous ne connaissons que trop bien. Voir notre vécu minimisé est une violence supplémentaire.

Nous ne pouvons pas nier qu’il existe des dérives en endométriose avec le développement des fakemeds et autres pensées positives dont le but est de capitaliser sur le dos des malades en utilisant leur détresse. Détresse souvent due au manque de considération de la part des médecins, à la violence des examens et à l’absence de traitements adaptés à la maladie.

Le consentement lors de la consultation

Comme évoqué plus haut, le recueil de consentement est obligatoire lors d’un examen médical. Vous pouvez le retirer à tout moment. Prendre un rendez-vous chez un gynécologue ne constitue pas un accord tacite. D’ailleurs, tous les motifs de consultation ne nécessitent pas un examen. La recommandation pour les frottis est d’un tous les 3 à 5 ans. Si vous venez pour un renouvellement de contraception par exemple, en l’absence de symptômes, un examen n’est généralement pas nécessaire.

Quelque soit le motif de votre consultation, vous avez le droit de refuser l’auscultation si cela vous met mal à l’aise. Si vous le souhaitez, vous pouvez venir accompagnée en consultation. Vous pouvez exprimer vos doutes ou vos craintes lors du rendez-vous et le médecin doit vous expliquer comment les choses vont se dérouler. Pour l’endométriose, une IRM pelvienne est préférable à une échographie endovaginale, l’examen est moins invasif et les images de meilleure qualité. Si le toucher vaginal est parfois nécessaire, rien n’oblige à ce qu’il ait lieu à la première consultation et il doit être librement consenti. Si l’examen est douloureux – ou pour toute autre raison – vous avez le droit de demander son interruption à tout moment.

Les violences gynécologiques, un problème systémique ?

Les violences gynécologiques sont souvent minimisées, voire niées. Pourtant nombreuses sont les patientes qui peuvent témoigner de leur existence. Dans un système patriarcal où les violences envers les femmes sont banales – en témoigne le nombre de féminicides – celles commises par les soignants sont invisibilisées. Ils sont souvent peu ou mal formés à la question du consentement et on leur apprend à se poser dans une position de « sachant » face aux patientes, ce qui crée un rapport de force déséquilibré. De plus, il existe un entre soi important dans le milieu médical. L’ordre des médecins, qui devrait être une instance de régulation des pratiques, protège en réalité les siens.

Entre une méconnaissance de la question du consentement, un rapport de domination et l’absence de conséquences en cas d’abus, il est difficile de faire évoluer les mentalités. Lorsque les patientes parlent, elles sont peu écoutées et souvent moquées. Sur les réseaux sociaux les vagues de harcèlement de la part de médecins lorsqu’on dénonce les pratiques de leurs confrères sont fréquentes et extrêmement violentes, ce qui contribue à silencier toujours plus les victimes.

Il est parfois difficile de dire « non » à un médecin. Les délais chez les spécialistes sont longs, on a peur de ne plus avoir de suivi médical si on refuse un soin ou qu’on s’oppose à un soignant. La pression sur les patientes est énorme. Ne culpabilisez pas de ne pas être à l’aise, d’exprimer vos doutes, de prendre le temps de demander des explications ou de refuser un acte médical. C’est votre corps, c’est à vous de décider à quel moment vous êtes prête. Un médecin qui ne respecte pas vos limites a bien peu de chances d’être en fin de compte un bon soignant.

Les violences gynécologiques dans l’actualité

Depuis quelques temps, on entend parler plus régulièrement de violences gynécologiques, notamment avec 2 affaires assez médiatisées. Chrysoula Zacharopoulou, gynécologue, ancienne députée européenne très investie sur la question de l’endométriose et secrétaire d’Etat auprès de la ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, chargée du Développement, de la Francophonie et des Partenariats internationaux, a été maintenue dans ses fonctions ministérielles malgré 3 plaintes à son encontre. Elle est accusée de pénétration sans consentement lors d’examens médicaux.

Autre affaire sensible du moment : le cas d’Emile Daraï, à l’hôpital Tenon dont il a longtemps dirigé le service gynécologie. Là encore, un professeur souvent bien connu des patientes atteintes d’endométriose. Malgré 32 plaintes, une mise en examen et 190 témoignages émanant aussi bien de patientes que d’internes, le médecin exerce toujours au sein de l’hôpital public. Depuis sa mise en examen il avait interdiction de donner des consultations privées mais la décision a été annulée en appel. Il est accusé de violences avec notamment des touchers vaginaux ou anaux non consentis. Une véritable omerta régnait au sein du service, les internes qui souhaitaient le dénoncer ont subi des menaces de leur hiérarchie. Les récits sont glaçants. Une pétition est disponible pour demander qu’il soit démis de ses fonctions, elle a reçu plus de 15000 signatures. L’Ap-Hp continue malgré tout de le soutenir.

En octobre 2022, lors du congrès InfoGyn, s’est tenu un module intitulé « Le viol en gynécologie obstétrique – réalité ou confusion ? » Les contributions sont un véritable exercice de contorsionniste pour éviter à la profession de faire face à ses responsabilités et continuer à ne tenir aucun compte des patientes. Vous pouvez trouver une version commentée de certaines interventions sur le blog de Martin Winckler, L’école des soignant.e.s

Où trouver de l’aide en cas de violences gynécologiques ?

Il est parfois difficile face à une figure d’autorité d’exprimer son désaccord. Un rdv médical peut-être intimidant, d’autant plus lorsqu’on a une maladie chronique et qu’on attend depuis des mois de voir un spécialiste. Toutefois, le médecin se doit de respecter notre corps et nos choix. En cas de violences, vous n’êtes pas responsable ; même lorsqu’on est bien informée il peut être compliqué de réagir, surtout lorsque les comportements abusifs sont aussi banalisés.

Si vous avez été victime de violences gynécologiques, vous pouvez déposer un signalement ou une plainte à l’ordre des médecins. Le signalement ne déclenche pas de procédure. Trop souvent les plaintes n’aboutissent à aucune sanction, il faut également savoir qu’en cas de plainte auprès de l’ordre des médecins, il y a conciliation, ce qui suppose de faire face à son agresseur. Il est également possible de porter plainte dans un commissariat. Là encore, une démarche difficile qui a peu de chance d’aboutir à une condamnation mais la démarche permet parfois de faire éclater certaines affaires au grand jour. Si vous souhaitez porter plainte, n’hésitez pas à vous faire accompagner. Vous trouverez plus d’informations sur le dépôt de plainte sur le blog de Marie-Hélène Lahaye.

Pour vous préparer à la consultation ou en apprendre plus sur les violences gynécologiques, vous pouvez vous référer au Manuel d’autodéfense féministe dans le cadre de la consultation en santé sexuelle et reproductive. Enfin, si vous souhaitez dénoncer un abus et trouver de l’aide auprès d’une association, vous trouverez des ressources sur le blog Gyn&co.

En tant que collectif de personnes atteintes d’endométriose, nous nous battons notamment pour que tous les examens médicaux, surtout gynécologiques soient faits dans le respect et le consentement des patientes. Pour informer les patientes que les examens invasifs ne sont pas obligatoires et qu’un soignant n’a pas à vous forcer à en subir un contre votre gré, même s’il vous menace de ne plus assurer votre suivi médical. C’est toujours VOTRE choix et ils se doivent de le respecter.

Une réponse sur « Violences gynécologiques et consentement »

Bonjour
Auriez-vous un texte précisant que le manipulateur en radio n’est pas autorisé à faire l opacification vaginale en IRM?
Je suis manip et j ai tjrs défendu que c est un acte médical mais pas de texte pour m appuyer
Merci par avance

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